PHILIPPE MARTIN - GERS
Député, Président du Conseil Général
Discours prononcé par Philippe Martin, Député du gers et Président du Conseil Général du Gers, à l’occasion
du 70 ème anniversaire de la Retirada
Samedi 3 octobre 2009 à 19h30
Maison de Gascogne
Mesdames et Messieurs, chers amis, queridos amigos,
C'est avec une très grande émotion et un profond respect que je vous accueille ce soir en cette Maison de Gascogne pour célébrer le 70ème anniversaire de la « Retirada ».
Je tiens avant tout à remercier celles et ceux qui ont contribué à la réussite d’un rassemblement placé sous le double signe de la fraternité et de la mémoire :
- Les associations, bien sûr, qui ont mis toute leur énergie et tout leur cœur pour que cette « Retirada départementale » rassemble non seulement les rares témoins encore vivants de cet exode, mais aussi les descendantes et les descendants des réfugiés républicains.
- Je remercie l’association des Maires et son Président le Sénateur Aymeri de Montesquiou pour le concours précieux que nous ont apporté les 463 communes du Gers.
- Merci au Maire d'Auch, mon ami Franck Montaugé, qui a mobilisé les services de la ville et mis à notre disposition cette Maison de Gascogne, cadre idéal et symbolique pour cet hommage.
- Je tiens à remercier tout particulièrement Michel Cardoze, compagnon de route fidèle et généreux de la plupart des aventures que nous lui proposons, pour peu qu’il y soit question d’histoire, de mémoire et de République. Merci pour sa lecture émouvante des poèmes de Lorca. Un grand merci à Claude Marti qui depuis 4 décennies n'aura eu de cesse de chanter la République espagnole et l’Occitanie, ses deux racines qui sont aussi les « marqueurs » de sa vie.
- Merci à mes amis Marc Payros et Jacques Maxch, inspirateurs éclairés et obstinés de cette Retirada qui leur doit beaucoup, bien épaulé par Isabelle et Laetitia que je remercie pour leur contribution.
- Merci enfin à toutes celles et tous ceux qui de près ou de loin ont adhéré à ce projet et ont fait en sorte que nous nous retrouvions très nombreux aujourd'hui.
Mes chers amis,
Je vous le disais il y a un instant, c'est avec humilité et émotion que j’entends partager avec vous cet hommage départemental à ce qui fut l'un des épisodes les plus sombres du siècle dernier, la fin chaotique de la guerre d'Espagne et l'agonie de la République.
Soixante-dix ans après la fin de la deuxième République espagnole, il était nécessaire de regarder en face ce passé qui a marqué à jamais notre Sud-Ouest, depuis le Languedoc Roussillon jusqu’à l'Aquitaine, en passant par Midi-Pyrénées. L’histoire du Sud Ouest, cette terre républicaine s’il en est, est indiscociable des valeurs de fraternité et d’honneur auxquelles nous rendons hommage en cet instant.
Les hommes et les femmes jetés sur les routes de l'exil sont à jamais entrés dans l'histoire de notre Région. Attaché à cette histoire qui est notre patrimoine commun, conscient des insuffisances et des lacunes de notre mémoire collective, j'ai voulu cette « Retirada départementale » pour dire solennellement que l’arrivée des réfugiés républicains espagnols, dès 1938 puis lors de la Retirada de 1939, est bien aussi l’histoire du Gers, est bien notre histoire.
D’ailleurs, si l’on observe de près l’histoire de la Gascogne, on s’aperçoit que celle-ci s’est enrichie de la venue successive de communautés différentes, poussées dans leur choix, qui par l’aventure, qui par le contexte économique mais aussi, mais souvent devrai-je dire, par la détresse et les persécussions.
Une fois établis en Gascogne, celles et ceux qui avaient enfin trouvé la paix - entre Garonne et Adour - ont à leur tour ouvert leurs bras à d’autres exilés, si bien que cette chaîne de solidarité a donné naissance à une tradition d’hospitalité républicaine qui est désormais consubstantielle de l’identité du Gers.
Le 20ème siècle n’a pas fait exception à cette histoire multiséculaire. Aux familles déracinées par la misère se sont ajoutées les victimes du combat contre les fascistes, débuté en Espagne en 1936.
Le Gers n’a peut-être pas suffisamment pris conscience de la dimension humaine et historique de la « Retirada ».
Il fallait donc que notre département rende un hommage solennel à ces enfants de la République espagnole que nos frontières ont vu passer en une file interminable de réfugiés, contraints de tout abandonner derrière eux. Derrière eux il y avait la dictature, la vengeance des vainqueurs, mais aussi le parfum des villages, les couleurs des paysages, les regards d'une famille ou la tendresse d'un d'être cher resté là-bas.
Un exode est toujours une tragédie. Il met les hommes et les femmes à l’épreuve, au-delà du supportable. Ces hommes et ces femmes, je veux leur rendre ce soir un hommage, tout particulièrement aux mères et aux grands-mères que l’avancée des fascistes a jetées sur les routes de l’exil. Aucun mot ne sera assez juste pour décrire le courage de ces femmes qui ont tout quitté, sauf leurs familles qu’elles ont su conduire dans des conditions que l’on a peine à imaginer, par les routes et les cols et jusqu’à la frontière. Pour celles qui ont eu la chance de ne connaître ni les plages d’Argelès ou de Saint-Cyprien, ou bien encore les sinistres camps d’internement, l’installation dans les villes et les villages du Sud-Ouest fût souvent une nouvelle épreuve. Georges Courtes nous l’a rappelé il y a quelques instants, l’espoir des réfugiés en une France chaleureuse et fraternelle sera souvent déçu et l’intégration des familles exilées a bien souvent reposé sur la force de caractère des femmes espagnoles.
Je n’ai ni l’envie, ni la connaissance historique suffisante pour faire ce soir le tour exhaustif d’une épopée à la fois complexe si multiple. Mais il n’est pas inutile de rappeler la dimension humaine de la tragédie qui nous réunit soixante dix ans plus tard. Nous sommes ici tout autant pour commémorer une aventure collective que pour nous remémorer des destins individuels ou des trajectoires familiales. C’est le propre de ce que l’on appelle « devoir de mémoire » que de ne pas s’en tenir aux symboles ou aux chiffres, mais de mettre un nom et un visage sur une histoire anonyme à priori vouée à l’oubli.
Comme toutes les dictatures, le franquisme avait condamné à l'oubli systématique tous ceux qu’il considérait comme ses ennemis, qu’il s’agisse des victimes des représailles ou des milliers d'exilés.
La mise à jour de ces faits a été lente, très lente. Mais obstinément, consciencieusement, comme une plante déterminée à vivre sur un sol desséché, cette histoire renait peu à peu et ces héros anonymes surgissent enfin de l'oubli.
Oui nous devons nous souvenir ! Oui nous devons avoir de la mémoire ! Non pas pour nous retrancher sans fin dans le passé, mais pour nous projeter tous ensemble dans un avenir plus juste, comme celui qui a refleurit de l’autre côté des Pyrénées après 1982.
Au-delà du prodigieux travail de souvenir réalisé cette année dans tout le grand Sud-Ouest et dans de nombreuses villes du Gers, je voulais que cet hommage départemental soit plus que l’évocation d’un exode.
Je voulais que chaque gersoise et chaque gersois sache qu’une fois accueillis - plus ou moins bien, n’ayons pas peur de la vérité - les réfugiés républicains espagnols ont rendu à cette terre bien plus que ce qu’elle leur avait donné lorsqu’ils sont arrivés.
Je voulais que le Gers tout entier vous témoigne de son estime et de sa reconnaissance pour avoir participé à sa prospérité à force de volonté et de générosité, malgré vos blessures et vos souvenirs douloureux.
Je sais que les enfants de la Retirada n’ont jamais perdu la mémoire et que tout en vivant dans leur siècle, ils reconstruisent inlassablement la longue histoire de leurs parents exilés, une histoire qui a profondément marqué ce Gers à qui vous avez apporté vos bras, vos têtes, vos cœurs, avec pour seul viatique, avec pour seul étendard les valeurs de la République.
Ce soir, je veux que nous célébrions aussi, d’une certaine manière, la République dont l'idéal et les institutions fondent – en particulier l’école laïque – les bases d’une d’intégration réussie. C’est la République qui a permis aux enfants et petits-enfants d’exilés de devenir des artisans, des agriculteurs, des chefs d’entreprises, des instituteurs, des inspecteurs d’académie, des élus locaux et même nationaux.
Chers amis, merci pour votre présence à cette rencontre fraternelle et républicaine.
Même si cet hommage ne saurait se réduire à l'évocation des blessures de l'histoire, il ne m’est pas possible de conclure sans rappeler la part - souvent méconnue - que les républicains espagnols ont pris dans la Libération de la France lors de la seconde guerre mondiale.
Qui se souvient des combats de « Brunete », de « Teruel » ou de « Guadalajara » ? Qui se rappelle que les premiers chars de la légendaire 2ème DB du Général Leclerc entrés dans Paris portaient justement les noms de « Brunete », « Teruel », « Guadalajara » ou « Madrid », et qu'ils étaient conduits par des équipages espagnols ?
Ici, dans le Gers, n'oublions jamais la contribution décisive des guerrilleros espagnols dont le souvenir est à jamais associé aux combats de Castelnau sur l'Auvignon en juin 1944 et à bien d’autres faits d’armes. Ces résistants versèrent le même sang sur le même sol, par amour de la France et par amour de la République.
Dans la résistance, ils ont participé avec courage et esprit de sacrifice à la libération d'un pays devenu leur Pays.
En ce mois d'octobre 2009, je n'ai à leur offrir que la reconnaissance postume mais solennelle de tout un département. Leurs noms resteront à jamais gravés dans nos cœurs d'hommes et de femmes libres.
En leur mémoire de ces combattants de la République Espagnole, morts au combat, mais aussi en mémoire des réfugiés, morts sur les routes de l’exil, je vous demande de bien vouloir vous lever afin d’observer une minute de silence.
(Minute de silence)
Mesdames et messieurs, chers amis,
Qu’ils aient été combattants ou civils, ces hommes et ces femmes ne sont pas morts pour rien. Votre obstination à vivre dans la fidélité aux idéaux de la République n'a pas été vaine. Aujourd’hui l’Espagne est une démocratie qui rayonne et on peut dire que, par-delà la mort, par-delà les camps, par delà les souffrances, les Républicains l’ont en fin de compte emporté.
En fait, les Républicains espagnols ont défendu avec passion, non pas une, mais deux Républiques : l'Espagne démocratique et la France à laquelle ils ont donné, à travers leurs enfants et leurs petits enfants, devenus nos compatriotes, le meilleur d'eux même.
Ce soir, en ma qualité d’élu de la Nation mais aussi de Président du Conseil Général, et au nom des nombreux élus départementaux présents à mes côtés, je tiens à exprimer la reconnaissance du Gers tout entier à cette Espagne de l’exil, cette Espagne du courage, dont vous êtes ce soir l’incarnation exemplaire et merveilleuse.
Chers amis, j’ai voulu cette soirée pour qu’elle illumine à jamais votre cœur de notre reconnaissance et de notre amour.
Pour que vive le Gers, que vive la République, y que viva la Republica !
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